• Sous le soleil certaines choses ne brillent pas, le bitume, l’air et moi.  Le bitume est plus consistant, l’air est plus léger, moi, je traine un pied devant l’autre comme le veut la coutume homosapienne. Le poids de mon enfermement installé sur ma carcasse remplit tous les yeux d’une désagréable expression de dégoût. Je dégouline de régression et, flottant bientôt comme un bibendum dans ce qui devient une mare de miasmes, le ballet du ciel enveloppe mon crâne de ses aqueuses douceurs aériennes.  

    Chouette ! c’est bientôt l’été !

     


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  • « Les charmes de Nedjma filtrés dans la solitude, l’avaient-elle ligotée, réduite à la contemplation de sa beauté captive, au scepticisme et à la cruauté devant la morne adulation de ses gardiens, n’ayant que ses jeux taciturnes, son goût de l’ombre et des rêves jaloux, batracienne pleine de cris nocturnes, disparue au premier rayon de chaleur, grenouille au bord de l’équation, principe d’électricité fait pour allumer tous les mots, après avoir brillé, crié, sauté à la face du monde et affolé le mâle armé que la femme suit comme une ombre qu’il suffirait de franchir pour atteindre au zénith, loin du sosie prolifique dont l’homme n’attend le produit qu’après avoir dépouillé sa vigueur engloutie dans une expérience sans fin : le mâle armé n’a guère atteint qu’une forme, il n’en reste une fois le temps égoutté, une fois la force bue, il n’en reste qu’un éboulement au pied du vieux principe : mâle et femelle près à s’unir jusqu’au point du jour, mais c’est la débandade au levé de l’aurore – la grenouille dans la tiédeur de la vase, blessée dès la première saison et difforme les trois autres, fatidiquement saignée à chaque lune, et le physicien toujours vierge, toujours ignorant dans le désespoir de la formule évanouie – l’homme et la femme mystifiés, privés de leur cruelle substance, tandis que mugit hors de leurs flancs la horde hermaphrodite piétinant dans son ombre et procréant sa propre adversité, ses mâles, ses femelles, ses couples d’une nuit, depuis la tragique rencontre sur la même planète, peuplade contradictoire qui n’a cessé d’émigrer par crainte d’autres mondes trop vastes, trop distants pour la promiscuité humaine ; car la nature alerte nous abandonne en chemin ; elle procède par erreurs, par forfaits pour éveiller les génies sur les poteaux d’exécution et châtier ceux que se cécité favorisa en quelque élan de naïveté maternelle, […] »

    Nedjma, Kateb Yacine

     


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  • Quand je serai grande, j’apprendrai les mots, la vie et l’amour.

    J’ai perdu le contrôle, la notion du temps n’est plus qu’un souvenir flou. Je cale.

    La nuit a trempé de larmes mes draps inconsolables et solitaires.

    Ne me touche pas.

    Faux, mensonge du bien et du bon, du joli et de l’aimable. Les pieds trainent, les orteils creusent la terre noire de fertilité, il faut rejoindre le centre de feu, pour que jamais plus ne se fasse sentir la douloureuse séparation. Mon visage ne sourira plus, les tiraillements buccaux sont de bien vilains maux.

    Se recroqueviller, mais le cordon ne pourra se rattacher, la sphère liquide berceau de la gestation a éclaté et tout tombe en morceaux. Combien de temps encore durera ?

    Tu as raison, le monde manque cruellement de poésie et rien ne finit. Regarde mes dents jaunir dans l’ambre, nauséabondes.

    Il faut faire.

    Accumule.

    C’est que le ciel est grand et charmant, les nuages gris de tonnerre, j’espère pleine de peurs et de reproches, le rêve reste une source de souffrance.

    « C’était idéaliste et de ce fait cruel » (Les Frères Karamazov, Dostoïevski)

     


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  • Il faut qu’il fasse noir, sinon je n’y arrive pas. C’est au dessus de mes forces. La lumière est un révélateur trop abrupt et franc, mes yeux ne pourront supporter cette lucidité dénudée, torturée, malmenée, tatouée de cicatrices qui trôneront à jamais. Un corps jeune n’est pas sensé être ainsi sculpté, tout cela n’a rien à voir avec de la pudeur mais de la laideur. Comme les cieux en colère, je me retrouve couverte d’éclairs disgracieux, mes chairs lacérées par manque de vigilance, à jamais souillées.

    Je ne peux accepter aucun compliment, du moins sincèrement et dans la mesure où je suis une menteuse de seconde zone, mes sourires sont criblés de doute qui les crispe. Je ne crois pas à ces mots, ils ne me sont pas destinés, ce sont des erreurs d’appréciation formulées par de trop gentils ignorants, trop compatissants face à la mollesse immonde de mes tissus malades. La fuite apparaitra longtemps comme une solution, mon comportement en est empli, autant dire en est rendu vide, velléitaire, rien de bon ne naitra de mes déambulations hasardeuses et si peu harmonieuses. Je ne sais même pas si le changement sera possible ni même profitable. Il est des matrices bien complexes et douloureuses à déraciner.

    Une mauvaise plaisanterie, le rire reste agressif.

     


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  • J'ai vraiment peur de devenir folle, vide, folle face à mon vide, me débattant sans rien heurter dans ce vide, comme le poisson qui suffoque sur le ponton, trop petit pour être mangé, trop insignifiant pour qu'on y prête attention et le rejette à la mer. On vilipende, on vilipende, je ne veux plus bouger, plus entendre, plus voir, juger, que cela cesse, que la vie ne se réduise pas à cela, qu'il soit possible de trouver un dessein, d'être toute entière happée par une force étrangère à l'inertie.

    tellement perdue, tellement fausse. Lorsque le sentiment éthéré de vie se fait sentir, je le gâche en quelques mois à peine lorsque ce ne sont pas quelques jours voire quelques heures, je ne comprends plus rien, le misérabilisme me répugne pourtant, je suis censée être forte et combattive mais je n'y arrive plus, car je ne trouve pas le foyer qui anime cette force, la flamme famélique me regarde larmoyante de cendres qui, tombant, incessantes, noircissent l'horizon et m'enferment dans une nuit opaque et incolore. Prométhée a fui.

    Qu'ai-je aux mains, pourquoi le plissement de mes phalanges droites me fait si mal... c'est le déferlement acide de mon amertume vidée, remplie, vidée, dans une obsession sans fond, sans rédemption possible et pourtant nécessaire. Je continue néanmoins à suivre la doxa du levé et du couché du soleil dans un mimétisme servile de bête humaine... expression devenue figée, trop employée, abusée ; moi, je ne souhaite guère stagner dans mon passé déféqué, cette engluement puant et suintant la fatalité.

    Avancer, espérer, ne pas pleurer, minables larmes. Ignorante, tellement ignorante encore.

    La main gauche est belle et pure, enfantine comme mes dents de lait parties décorer  la maisonnette d'un souriceau en mal de trésor calcique, l'épiderme lisse, doux, les collines joignant doigts et paume joliment dessinées, dignes d'une romance pastorale naïve et fraîche,... la jumelle, vieille avant l'âge, les monts escarpés y font des crevasses rappelant les souffrances antérieures, c'est une mémoire rugueuse et poreuse, douloureuse, pleurant des rivières de sang auxquelles aucun troupeau ne s'abreuve, même se desséchant l'être le plus imbécile ne trempera pas sciemment ses lèvres dans le coupe de ciguë.

    Je ne crois même plus en moi, je ne me fais plus confiance, je me dédouble. Le déchirement des chairs est un spectacle immonde qui ne laisse nul répit aux rétines, le cri agresse les tympans, les inévitables éclaboussures souillent les teints les plus sains. Je n'ai plus peur, j'apprivoise ma folie, elle sera ma force, moi dont les muscles suffoquent sous mon échine malade, mon œil empli d'une humeur sadique se délecte de leur fin lancinante.

     les gens sont gentils ici, c'est certain, mais il reste bien difficile d'éprouver le sentiment amoureux pur lorsqu'on perd sa propre image dans les reflets trompeurs de je ne sais quelle vitre brisée à la suite d'une dispute dont les belligérants ne se souviennent même plus les fondements, image à tout jamais perdue, ignorant sa source elle ne peut atteindre l'estuaire et rejoindre l'immensité de l'océan empli de promesses qui déferlent et caressent les plages paisibles de mes étés passés dans les bras improbables.

     Et pourtant...

    La vie est belle, nous sommes jeunes, les oiseaux chantent, le ciel cache du bleu sous les nuages, les visages des sourires sous les écharpes, l'avenir des trésors derrière ses incertitudes... soulevons les voiles, creusons à grande pelletés, découvrons dans une saine boulimie de néophyte !

    Je crois avoir déterré mon engouement passé et ma candeur adolescente et dévorante, ô ardeur primitive de sentir ces chairs sous l'épiderme, ces nerfs enlacés aux chairs, ces os organisant le tout : je suis, ignorante et incohérente, maladie et remède...


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